Publiée le 07 2000
" Pour faire une aillée, prends de l'ail épluché avec des noix ou des
amandes et du sel, et aussi du pain. Et broie et délaie avec de l'eau. Et
fais bouillir dans une poêle ou un toupin.
S'il t'arrive de manger du merlu ou de la raie, délaie de l'eau dans
laquelle a bouilli ton poisson, ou mets de l'huile avec laquelle il a été
frit ". Faire tremper la mie de pain dans l'eau fraîche ou l'eau de cuisson
du poisson.
Casser les noix pour en sortir les cerneaux, les peser, peler l'ail, passer
le tout au mortier (ou au mixeur) avec le pain. Diluer avec un peu d'eau
jusqu'à bonne consistance.
Cuire cette sauce, comme le dit la recette, améliore un peu son lié mais en
diminue beaucoup la saveur. Elle est meilleure crue, et les sauces à l'ail
médiévales étaient d'ailleurs le plus souvent des sauces crues.
60 g de cerneaux de noix, 40 g d'ail épluché, 40 g de pain, 7 g de sel.
COMMENTAIRE
L'ail était considéré comme un aromate fait pour les rustres. L'humaniste
italien Platina écrivait par exemple qu'il est bon " à gens de labeur qui
boivent eaue froide excessivement, & qui usent de grosses viandes &
froides; & pource l'on dict que l'ail est triacle de vilains ", c'est-à-dire
pour eux, un remède universel, et il ajoute que l'on en faisait plusieurs
mets " et saulces desquelles les villains usent souvent & les nobles gueres
".
Malgré cette réputation, les recueils de recettes étaient très nombreux à
proposer des sauces à l'ail - et pas seulement en Languedoc, où toutes les
classes sociales étaient censées aimer ce condiment, mais dans tous les
pays... jusqu'en Islande. Dans les pays du Nord, cependant, il s'agissait
généralement de sauces au vinaigre ou au verjus, alors que les aillées
méridionales étaient aux amandes ou aux noix, sans aucune trace d'acidité -
comme aujourd'hui l'aillade toulousaine et le véritable aïoli provençal.
Font exception à cette opposition géographique deux sauces d'un réceptaire
anglais, l'Ashrnole ms. 1439, dont une pour le stockfish (autrement dit la
morue séchée de Norvège) est analogue à celle du Modus preparandorum que
l'on présente ici.
Dans le Nord comme dans le Midi, on se gardait généralement de faire cuire
ces sauces à l'ail, ce qui en change et affaiblit considérablement la
saveur. Si le Modus preparandorurn prescrit de faire cuire son alhada, c'est
sans doute sous l'influence des médecins de l'époque. Platina écrivait en
effet que " sont lesditz ailx toutefois plus sains cuyts & verdz, qu'ilz ne
sont crudz & secs ".
La sauce aillée, dans le Midi, se mangeait généralement avec des viandes et
des poissons bouillis : par exemple avec de la tête de veau, ou de la morue.
Jean Tamayo
FETES GOURMANDES AU MOYEN-AGE Jean-Louis FLANDRIN & Carole LAMBERT
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