Publiée le 01 Août 2010
Les becfigues sont des petits passereaux du Midi, mangeurs de figues très gras et
exquis à déguster en automne. Ils étaient très appréciés à Rome, et on les
retrouve sur la table de Lucullus, d'Apicius et de Trimalcion. Ils ont accompagné
les cygnes, les aigles, les paons des festins médiévaux.
Prosper Montagné nous suggère cette recette si nous chassons le becfigue.
Nous devons remplir nos oiseaux d'une farce de leur foie mêlé de lard et de sauge
et mouillé de cognac, nous les enveloppons d'une cape de lard et d'une autre de
sauge, et nous les disposons à tour de rôle, chacun d'eux bien droit sur un
croûton où gicle du beurre brûlant. On les passe dix munutes au four, ou mieux
encore, recommande Prosper Montagné, dans une cheminée entre deux grils chargés de
braises.
Alexandre Dumas raconte que le goût des becfigues fit perdre son trône à un roi de
Naples. En effet, les becfigues à leur passage au-dessus de la ville avaient
l'habitude de s'abattre sur la colline de Capodimonte et, pour mieux les guetter,
le roi s'y était fait construire un château de cinq millions. Cette première
dilapidation ne lui suffit pas. Il ordonna qu'on le prévînt à toute heure et en
tout lieu de la venue des oiseaux. Ils arrivèrent juste au moment où était
débattue au conseil la question de la guerre avec la France, que le roi était seul
à ne pas désirer. On le prévient. Le roi hésite. Va-t-fl se rendre sur sa colline
de Capodimonte? Mais entre le devoir et les becfigues la passion est la plus
forte. Il se lève, en s'exclamant:
- Faites ce que vous voulez, et allez au diable!
Il courut aux becfigues, la guerre eut lieu, il la perdit...
Ainsi chante le pocte local Jean Rébier, qui nous donne de plus la recette de ce
plat fameux, mi-soupe, mi-potée. Il faut une crémaillère et une vieille marmite,
un feu de chêne ou de châtaignier, de jeunes choux, de larges raves, de tendres
poireaux, du lard, de la couenne, bréjou en patois limousin, ce qui a donné
bréjoude; il faut encore du pain, en tranches, et beaucoup. Quand on a réuni tous
ces éléments, la soupe est faite.
On ne la déguste pas d'ailleurs de façon quelconque, mais suivant un protocole
invariable. On trempe la bréjaude et on la sert dans des écuelles en terre qui ont
d'abord été assainies, c'est-à-dire emplies de cendre et craquelées à four chaud.
Enfin, c'est après avoir avalé la bréjaude que les paysans limousins dégustent le
fameux chabrol, le verre de vin versé dans l'écuelle presque vide, et mélangé
ainsi aux dernières lampées de soupe.
Adaptation: J.Paul Mutin
histoire a table d'andré castelot
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