Publiée le 01 Août 2010
(Pour en finir avec un professeur de violon)
Ayez une noix de veau, deux perdreaux roux, le râble d'un lièvre, un poulet, un canard, une
demi-livre de filet de porc et deux ris de veau blanchis.
Divisez ces viandes en filets de trois ou quatre centimètres de largeur, enlevez la peau
dont elles sont recouvertes et les faites mariner pendant au moins douze heures dans de
l'huile d'olive, trois verres de vinaigre de vin blanc; ajoutez deux ou trois oignons coupés
en rondelles, un bouquet de thym, du sel et du poivre.
Préparez deux farces. La première faite de viandes maigres de veau et de porc, de lard gras,
de jambon. La seconde composée des foies du poulet et du canard et de ceux de perdreaux, de moelle de bœuf, de champignons et de truffes noires.
Tous ces divers éléments dont la quantité doit être en rapport avec la dimension du pâté,
seront hachés menu. A chacune des farces séparées on mêlera un oeuf et une ou deux cuillères de panade (c'est-à-dire de la mie de pain cuite dans du bouillon de bœuf et réduite en pâte lisse).
Mettez dans une terrine environ deux livres de farine, du sel fin, trois blancs d'oeufs, une
cuillerée de beurre, un petit verre de fine champagne et pétrissez le tout en y mêlant un
peu d'eau tiède.
Cette pâte étant devenue homogène, lisse et consistante, la placer sur une planche à
pâtisserie enfarinée. Séchez la pâte, frappez-la avec le rouleau, repliez- la et Ètendez-la
de nouveau... plusieurs fois!
En termes techniques, la pâte prend du corps: c'est-à-dire qu'elle perd son élasticité,
devient dure, résiste et ne peut plus être amincie; il faut alors suspendre le travail et
attendre dix minutes. Recommencez à frapper la pâte, à l'étendre et à la replier et ainsi de
suite jusqu'à ce que l'air, s'échappant des petites bulles qui se forment, la fasse éclater.
Laissez reposer la pâte pendant une demi-heure.
Ayez deux livres de beurre frais, lavé, pressé, égoutté. (pÈtrissez-le, s'il est dur, pour
le rendre plus maniable). Réservez le tiers de ce beurre pour l'intérieur du pâté, prenez la
moitié des deux autres tiers et Ècrasez-le sur toute la surface de la pâte étendue et
élargie en nappe mince. Cela fait, repliez-la en deux parties dans le sens de sa longueur et
de la même manière dans le sens de sa largeur: Ètendez-la de nouveau et ajoutez la seconde
moitié du beurre en procédant comme vous líavez-fait une première fois et en ayant soin,
avant chaque opération, de saupoudrer la planche de farine.
Étendez et repliez la pâte deux fois et divisez-la en deux parties égales, I'une devant
servir pour le fond du pâté et l'autre pour la couverture.
Sur une tablette de tôle saupoudrée de farine, élargissez une des deux parties de la pâte en
lui donnant une épaisseur d'un centimètre et demi et la forme d'un carré dont les côtés
auront une longueur calculée d'après la quantité de viande à employer.
Disposez sur dix ou douze rangs, et tous dans le sens de la longueur, des filets de vos
viandes en laissant déborder sur les quatre côtés une bande de pâte d'environ sept à huit
centimètres de largeur pour former l'ourlet. Entre les filets, placez des morceaux de
truffes noires pelées, des pistaches blanchies et quelques étroites lames de jambon à chair
rose.
Couvrez ces viandes d'une légère couche de la première farce, c'est-à-dire de celle
contenant du veau et du porc; recommencez à former de nouveaux rangs de filets de viandes,
les entremêlant de ris de veau coupés en rouelles, ajoutez des truffes noires et des
pistaches, mais ne mettez pas de jambon; terminez par une couverture de la seconde farce
composée de foies et de truffes noires. Disposez alors de tous côtés des morceaux du beurre
mis en réserve.
Étendez en forme de carré semblable au premier la seconde partie de la pâte et placez-la sur
les viandes pour les recouvrir; retranchez une portion de cette pâte les dépassant (de
manière à ce que celle formant le plancher déborde toujours) et, à l'aide d'un pinceau,
humectez cette partie d'un peu d'eau froide.
Faites adhérer sur le plancher la lande de pâte du plafond dépassant les viandes et, pour
fortifier, placez sur la soudure un liseré de pâte qui sera en quelque sorte la dentelle de
l'oreiller.
Relevez en torsade le restant de la pâte du plancher en dehors du liseré. Dorez la pièce en
vous servant d'une plume de poulet trempée dans deux jaunes d'oufs délayés dans de l'eau
froide.
Pratiquez sur le pâté cinq ouvertures rondes, une au centre et une près de chacun des quatre
angles; garnissez de la moitié d'une carte de visite roulée enferme de tube.
Le pâté doit être monté peu de temps avant d'être mis au four et la cuisson sera de deux
heures.
Attaquez la pièce le lendemain du jour où elle a été cuite.
JP Mutin
Brillat-savarin
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