Publiée le 19 Mars 2001
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Bois d'inde
Bwadenn
Piment de la Jamaique
Toute-epice, allspice
Pimenta racemosa
Rene Gagnaux
Particularite: arbre dont les feuilles et les fruits exhalent une
saveur aromatique chaude rappelant a la fois la cannelle, le girofle,
le poivre, la citronnelle et l'anis.
Autres appellations:
Bwadenn, piment de la Jamaique, poivre de la Jamaique, toute-epice
(allspice en Jamaique et en pays anglophones).
Production: De nos jours, le bois d'Inde, qui ne fait pas l'objet
d'une culture proprement dite, est cueilli essentiellement en foret
ou dans les jardins creoles, et vendu sur les marches locaux saus
forme de graines et de feuilles sechees. Aucun chiffre ne peut etre
avance quant a la production.
Description:
Le bois d'Inde (Pimenta racemosa var. racemosa, P. Miller), de la
famille des Myrtacees, est un arbre pouvant atteindre 15 m de haut.
Ses feuilles elliptiques, de 10 cm de long et de 3 cm de large, sont
luisantes, vert fonce sur la face superieure, plus claires sur la
face inferieure. II fleurit de novembre a mars et donne des petites
fleurs blanches. De janvier a juillet, il donne des fruits pulpeux a
noyaux, ovoides, noirs, mesurant 1 cm de long et contenant une
graine. Toutes les parties de l'arbre sont aromatiques. Une huile
essentielle utilisee en pharmacopee est extraite des feuilles. II
existe une espece tres voisine en Amerique centrale, a Cuba et a la
Jamaique, appelee piment de la Jamaique ou allspice (Pimenta dioica
L. Merr.).
Historique:
Dans son Histoire naturelle des iles Antilles de l'Amerique, Rochefort
presente le bois d'Inde comme un arbre precieux et de bonne senteur,
tres abondant dans les iles de la mer des Caraibes, ou les indigenes
l'exploitaient pour ses vertus aromatiques et medicinales, bien avant
l'arrivee des colons europeens. Selon le pere Breton, auteur en 1665
du premier dictionnaire franco-caraibe, les Indiens caraibes, qui
appelaient cet arbre achourou ou ouraba, accommodaient tous leurs
plats avec ses baies et ses feuilles, cependant que les Frangais
mettaient ses feuilles aromatiques dans les sauces et dans les
coffres. Plus precis, le pere Du Tertre decrit a la meme epoque cet
arbre commun de la foret antillaise dont "les feuilles semblables a
celles du laurier sentent le clou de girofle, et ont un goust de
cannelle piquant, astringent, et qui laisse dans la bouche une petite
amertume qui n'est pas desagreable". Son successeur et lecteur
attentif, le pere Labat, s'interesse pour sa part plus
particulierement aux baies du bois d'Inde, utilisees "en guise de
poivre et autres epices pour le salage de la viande laquelle, ainsi
accommodee contracte un gout et une odeur admirables".
A l'epoque du sejour de Labat aux Antilles, au debut du XVIIIe siecle,
l'importation de ces graines en metropole est interdite; d'apres le
reverend pere, "il est certain qu'elles suppleeraient aux autres
epices qui demeureraient ainsi sans debit".
Mais elles ne tardent pas a s'imposer sur le marche europeen et, par
la meme occasion, changent de nom. En 1751, les auteurs d'un article
dans l'Encyclopedie citent le bois d'Inde en donnant comme synonyme
le terme de "bois de la Jamaique", et c'est sous ce dernier nom, ou
encore sous celui de "piment de Jamaique" ou de "poivre de Jamaique"
que cette epice sera enfin accueillie en France. Toutefois, les
Anglais en sont les plus grands consommateurs a la fin du XVIIIe
siecle, a tel point que Buc'hoz l'appelle "le piment des Anglois", en
precisant que "les Anglois font tres-grand usage dans leurs sausses
de la baie aromatique de cet arbre". II donne comme synonymes les
termes de "poivre de la Jamaique, toutes epices, poivre de Thevet,
piment a couronne, coques d'Inde aromatiques, tetes de clous", et
ajoute que cette epice "a le gout de la cannelle, du girofle et du
poivre". Au XIXe siecle, le terme "bois d'Inde" qualifiant les baies
de cette plante sera progressivement abandonne en metropole, au
profit de "poivre de la Jamaique", ou "piment de Jamaique", et plus
rarement, "myrte-piment", "toute-epice" et enfin "quatre-epices".
Cette derniere appellation prete a de nombreuses confusions, non
seulement parce qu'une autre plante (la nigelle) porte le meme nom,
mais aussi parce qu'un vrai melange d'epices est commercialise sous
ce nom. Aulagnier, en 1885, remarque qu'on falsifie les quatre-epices
en substituant le poivre de la Jamaique au girofle, et le costus
blanc a la muscade.
Aux Antilles, et plus particulierement a la Guadeloupe ou l'on a
conserve l'appellation originale, on a cherche a mettre sur pied une
exploitation rationnelle de cette plante. Aux Saintes, a
Terre-de-Bas, une plantation de bois d'Inde a fourni pendant une
bonne partie du siecle le marche local des baies et des feuilles
ainsi que des distilleries implantees dans la region pour la
production de l'huile essentielle servant a faire le bayrhum, lotion
medicamenteuse alors fort appreciee. Mais les violents cyclones qui
ont frappe l'ile entre 1854 et 1860 ont provoque la disparition des
distilleries, et par la meme occasion, de la plantation. Neanmoins,
les usages culinaires du bois d'Inde se maintinrent meme si, a en
croire Paul Labrousse, auteur en 1935 de "Deux vieilles terres
françaises", on utilisait a son epoque plus volontiers les feuilles
que les baies.
Usages:
Les feuilles de bois d'Inde sont utilisees pour aromatiser les
viandes en ragout, ainsi que les blaffs de poisson et d'oursin. Les
feuilles et les graines peuvent remplacer les quatre-epices (poivre
noir, poivre de Cayenne, clous de girofle et gingembre). Elles sont
toujours employees dans la saumure et pour la salaison des viandes.
Les graines de bois d'Inde passees a la moulinette entrent dans la
composition du boudin creole. L'huile essentielle extraite des
feuilles melangee a l'alcool donne le bayrhum, lotion utilisee en
friction contre les douleurs, la fatigue, les refroidissements et les
rhumatismes.
Savoir-faire
Le bois d'Inde est un arbre assez commun que l'on rencontre en foret
mesophytique, en lisiere des bois a basse altitude et aussi a
proximite des lieux d'habitation. II se reproduit par graines. On le
trouve dans les jardins creoles. Les feuilles, dont la recolte se
fait a longueur d'annee, sont mises a secher juste apres la
cueillette et se conservent ainsi tres longtemps. Les graines sont
recoltees seches par temps see, de janvier a juin.
VOL. GUADELOUPE de l'inventaire du patrimoine culinaire de la France
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