Publiée le 15 Janvier 2000
Pour rôtir, il faut des perdreaux et en aucun cas des perdrix, celles-ci
étant terriblement coriaces. Le perdreau atteint sa pleine croissance en
octobre. Il a le bout des grandes plumes de l'aile pointu alors que la
perdrix l'a arrondi. En outre il n'a pas, comme elle, l'oil cerclé de rouge.
Plumer les perdreaux au dernier moment pour en garder tout le parfum. Les
vider, les brider, saler l'intérieur. Les embrocher et les rôtir un peu
vert, soit quinze à vingt minutes.
Ensuite les mettre dans un pot de terre que l'on pose dans un coin de
l'âtre, sur des braises déjà adoucies de cendre ou, plus prosaïquement, dans
une cocotte, sur votre gaz. Les saler et arroser du vinaigre et de l'eau de
rose qui, en se vaporisant vont, pendant cinq à dix minutes, attendrir la
viande sans en diluer la saveur.
Pour deux personnes: 2 perdreaux, 3 cl d'eau de rose du Liban, 1 cl de bon
vinaigre, sel
COMMENTAIRE
" Chair de perdrix est chaude tempérément, et sur toutes chairs d'oiseaux
est la meilleure, et fait meilleur sang " écrivait Aldebrandin. En outre
c'était un mets de grande distinction, fait pour les seigneurs et non pour
les humbles.
La chasse au vol était d'ailleurs l'un des divertissements les plus
aristocratiques, et la perdrix se chassait le plus souvent à l'épervier.
Barthélemy l'Anglais signale que " la perdrix doubte l'espervier et le fuye;
et tant comme elle le voye en l'air, elle ne se bouge de terre"' ".
On lit d'ailleurs dans le traité de la chasse à l'épervier, du Mesnagier de
Paris, que la tête de l'oiseau pris constituait le " droit " de l'oiseau
chasseur: " Au premier oysel que vostre espervier prendra aux champs, si
tost qu'il l'aura abattu et le tendra entre ses piez, il convient descendre
et aler à lui à long trait; et se garde l'en de toute hastiveté, et que
l'espreveteur s'agenoille bellement et loing, et bellement estende ses bras
et doulcement preigne et lieve sa proye et l'oisel dessus; puis rompe la
teste à l'oisel et du cervel paisse son espervier." Est-ce parce qu'elle
était ainsi souvent sans tête que cet auteur, dans l'une des nombreuses
recettes qu'il donne pour apprêter la perdrix, prescrit de lui " copper les
ongles et la tête " ?
Selon cette autre recette, il faudrait, avant de rôtir la perdrix, la "
refaire en eau bouillante, puis boutonner de venoison [ ... ] ou lart ",
c'est-à-dire la piquer de quelques lardons sur la poitrine et le haut des
cuisses. Malheureusement, le lard étant devenu immangeable, on enduira
plutôt les oiseaux de graisse d'oie, ou d'huile ou de beurre fondu, et on
les arrosera en fin de cuisson de la graisse et des sucs qu'ils ont lâchés
dans la lèchefrite.
Remarquons encore que dans le mélange d'eau de rose, de jus d'orange amère
et de vin dont cette autre recette propose d'assaisonner la perdrix rôtie,
l'eau de rose représente les trois quarts du mélange, le jus de bigarade et
le vin un quart seulement au total. Ce sont les mêmes proportions qu'on a
adoptées ici, pour mettre en ouvre la recette de Hotin, cuisinier de
l'évêque de Roubaix.
FETES GOURMANDES AU MOYEN-AGE Jean-Louis FLANDRIN & Carole LAMBERT
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